La place Raspail se situe dans le quartier de la Côte Pavée, à l’ouest de Toulouse, entre l’avenue Jean Rieux d’un côté, et la voie ferrée et le canal du midi de l’autre. Cet espace public prend place dans ce qui était autrefois le jardin des bains de la Baraquette, un bain public créé en 1769, « le premier de ce genre dont Toulouse puisse se vanter » [1]. À la jonction entre les fossés agricoles et l’ancien chemin de la Barraquette (aujourd’hui « rue Joseph Thillet »), les contours de la place Raspail semblaient tracés depuis longtemps. [1] A. Hermet, « Les bains de la Baraquette àToulouse au XVIIesiècle », L’Auta, 1990, n° 556, p. 140-144.
Retranchée hors des grands axes, dans une partie exclusivement résidentielle, la place Raspail adopte un caractère intime et apaisé, qui donne l’impression, lorsqu’on y pénètre, de se soustraire à la ville pour gagner une ambiance de village. Ce sentiment se ressent notamment par les rues calmes, en sens unique, qui permettent d’y accéder, et par les proportions réduites de la place. La hauteur des bâtiment atteint le R+2 au maximum ; le R+1 en moyenne, ce qui donne des rapports de proportion allant de 1 de hauteur pour 3 de longueur à 1 pour 8 de longueur, la "longueur" désignant l’espacement entre les façades bâties de part et d'autres de la place. Les dimensions de la voirie, assez resserrées, rapprochent les fronts bâtis les uns des autres, et la proximité avec les logements individuels s’en ressent davantage. Le végétal participe à sa mesure au sentiment de proximité ressenti, puisque la canopée aérée des Sophora obstrue les vues vers le ciel et ramène le regard vers le sol qui se texture avec l’ombre du feuillage. Et la haie de Photinia quant à elle divise la place en deux parts : celle des voies circulées et celle du square, assurant ainsi de découper encore l’espace en sous-espaces. Ainsi, sur la surface totale comprise entre les fronts bâtis, on peut clairement distinguer les deux tiers du sol occupés par la chaussée et les trottoirs, du tiers restant laissé au square.
Au-delà de ses proportions, une qualité propre à la place Raspail est de témoigner des urbanisme passés, et de la succession des époques dont elle cumule les traces. Sur le trottoir intérieur, le long de la clôture en grillage, d’ancien blocs en pierre parsèment le contour de la place. Les potelets à l’alignement discontinu, les panneaux, bornes incendies, corbeille, arbres, lampadaires, s’accumulent sur le trottoir intérieur déjà étroit, et ce avec une irrégularité sans cohérence apparente avec l'urbanisme normé actuel. À proximité du boulodrome, un porte-manteau en métal (mobilier urbain rare dans les aménagements contemporains) se propose en service aux joueurs de pétanque malgré qu’il ait été tordu par le temps. Avec les années aussi, les limites du traitement au sol initial semble s’estomper : le sable stabilisé se mêle aujourd’hui à la terre, se confond avec les espaces enherbés, avec les couvre-sol, et avec les fosses des arbres qui débordent sur le sol souple des jeux d’enfants. En contour de la place, l’architecture des façades ajoute aussi à son caractère puisque chacune diffère d’une autre, et représente des temporalités et des méthodes de construction différentes.
Cette composition singulière de la place Raspail amène à penser que c’est le temps qui a forgé son cachet, de même que ses usages passés. De son usage actuel on peut noter l'importance qu'occupe la place pour les habitants riverains, de la même manière que la proximité avec les espaces domestiques alentours font de cet espace public un endroit empreint d'un caractère intime et privé. Par exemple, on peut fréquemment entendre depuis la place les conversations, ou d’autres sons (lave-linge, radio, outils...), issus des logements qui l’entourent. Aussi, de part et d’autre de la chaussée, les voitures des habitants se garent sur le trottoir, occupant abondamment l’espace tant visuellement que spatialement. Sur l’îlot central, en face du seul immeuble collectif, les conteneurs, poubelles, et encombrants des résidents s’accumulent sur le trottoir, empêchant son utilisation par le piéton. Et du fait de son calme, le moindre passage, le moindre geste du passant ou du riverain s’y ressent comme un événement.
Finalement, par son urbanisme résiduel et son évolution avec le temps et en dehors des normes, la place Raspail propose aux toulousain·e·s un temps autre au caractère singulier, à deux pas du centre ville. Par ailleurs, en vue des chaleurs croissantes qui s’annoncent dans les années à venir, l’ombre et la fraîcheur offerte par la place se présentent comme un bien commun d’intérêt génral, une ressource dont il faudra savoir prendre soin et mettre en valeur.