La création du réseau v e r d u r e prend appui sur une volonté collective d'avoir des pratiques paysagistes et artistiques qui soient éthiques au regard des enjeux sociaux et environnementaux de l'époque. Ainsi, nous nous accordons à agir selon une pensée commune, définie par des valeurs plurielles et engagées.
Pour un paysage :
mouvant : qui prenne en compte l'aspect dynamique et vivant des territoires et de celles et ceux qui l'animent, humain·e·s ou non-humain·e·s. Cela suppose de comprendre et s'adapter aux phénomènes saisonniers de même que s'adapter à des pratiques nouvelles, inédites, et être capable d'expérimenter des manières autres d'être-au-monde. Enfin, cela sous-entend aussi de pouvoir être un espace compensatoire[1] à d'autres espaces où l'adpatation et la mouvance n'a pas sa place. [1] À propos d'espaces en compensation à d'autres : voir Les hétérotopies, Michel FOUCAULT (1968)
beau : sensible, plastique, ce en supposant que l'attachement au lieu dépend en partie d'une harmonie ressentie, et que cette harmonie dépend de l'expression assumée des qualités sensibles propres à un endroit (mouvements, textures, couleurs, formes, odeurs...). Nous suggérons que plus un endroit exprimera sa singularité, plus il sera beau, remarqué, remarquable et reconnaissable, et mieux il sera approprié et aimé par celles et ceux qui l'habitent.
situé : c'est-à-dire qu'il s'adapte aux territoire dans lesquel il prend place et qu'il prend en compte l'histoire et les connaissances vernaculaires des lieux à travers la rencontre avec leurs habitant·e·s. Un paysage situé compose avec l'existant et ses potentialité pré-existantes : cela engage à faire avec le déjà-là, et invite de soutenir les repères qui participent à l'identité du territoire (faune, flore, fonge, pratiques, vues...) et qui situent celles et ceux qui l'habitent dans une part du monde.
mesuré : conscient des moyens mis en oeuvre pour toute intervention proposée, notamment en termes écologiques, sociaux, géographiques et temporels. Un paysage mesuré induit une approche juste et respectueuse de tous les vivants ; il induit aussi de faire avec les ressources locales et ainsi mieux s'intégrer dans un territoire. Cela ne signifie pas de faire aux moyens minimes ; cela signifie d'avoir une conscience des gestes et de mettre en débat chaque action.
robuste [2]: dont la transformation est choisie avec parcimonie, dont la gestion n'est pas totale ni maximale, et dont la projection sur le long terme laisse place aux aléas et aux réactions en fonction. Un paysage robuste favorise par ailleurs l'expression des dynamiques spontanénes. [2] À propos de la robustesse : voir Antidote au culte de la performance - la robustesse du vivant, Olivier HAMANT (2023)
partagé : qui soit le fruit d'un émulation collective dans l'idée de profiter du pluralisme de point de vue pour faire ressortir une pluralité de valeurs et d'intérêts. L'échange de connaissances et les discusions permettent de faire du paysage un bien commun, entre humains·es et non-humains·es, et évite de faire du paysagisme un acte arbitraire qui risquerait de ne servir que des intérêts individuels.
heureux : soucieux du mieux-être qu'il est en mesure d'apporter, envieux de festivité et de célébration des actions en faveur des vivants, et qui accompagne les personnes à trouver dans le paysage une manière d'être davantage épanouïes.
Contre un paysage :
préfabriqué : fait avec du déjà fait de l'industrie (mobilier, gamme de matériaux...), fait avec l'habitude de faire et de répéter des modèles (aménagements récurents et modes), fait qu'avec des logiciels qui contraignent les gestes (lignes droites, angles droits, formes cartésiennes) ; ce afin d'éviter la banalisation des paysages.
pressé : par le temps, l'argent et les agendas politiques. Le paysage est le résultat d'une histoire et d'une écologie longues de plusieurs centaines d'années, et nécessite de respecter les rythmes, périodes et temporalités propres au vivant. S'aligner sur le temps du vivant garantit ainsi son respect et la viabilité du paysage sur le long terme.
performatif : le terrain doit être la première approche au projet de paysage ; celui-ci ne peut supporter tous les fantasmes, les égos, et ne peut se concevoir avec pour seule base un imaginaire déconnecté du site. Agir sur le paysage avec une projection virtuelle comme point de départ tend à nier le réel et à nous positionner nous-même, habitants et habitantes, dans des cadres de vie fictifs, déconnectés et limités par notre imaginaire. Nous pensons qu'il est préférable d'agir avec le paysage et de s'en remettre à la richesse du vivant.
autoritaire : qui voudrait qu'un espace n'ait qu'une fonction. Nous sommes pour la diversité des usages et pour l'appropriation spontannée. Un chemin de désir sera toujours plus juste qu'un cheminement.